Ya no seré feliz - Jorge Luis Borges (1899-1986)
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Ya no seré feliz - Jorge Luis Borges (1899-1986)
Ya no seré feliz - Je ne serai plus heureux
I Ya no es mágico el mundo. Te han dejado. Ya no compartirás la clara luna ni los lentos jardines. Ya no hay una luna que no sea espejo del pasado, cristal de soledad, sol de agonías. Adiós las mutuas manos y las sienes que acercaba el amor. Hoy sólo tienes la fiel memoria y los desiertos días. Nadie pierde (repites vanamente) sino lo que no tiene y no ha tenido nunca, pero no basta ser valiente para aprender el arte del olvido. Un símbolo, una rosa, te desgarra y te puede matar una guitarra. II Ya no seré feliz. Tal vez no importa. Hay tantas otras cosas en el mundo; un instante cualquiera es más profundo y diverso que el mar. La vida es corta y aunque las horas son tan largas, una oscura maravilla nos acecha, la muerte, ese otro mar, esa otra flecha que nos libra del sol y de la luna y del amor. La dicha que me diste y me quitaste debe ser borrada; lo que era todo tiene que ser nada. Sólo que me queda el goce de estar triste, esa vana costumbre que me inclina al Sur, a cierta puerta, a cierta esquina. “El otro, el mismo” - 1964 | I Le monde n’est plus magique. Vous avez été largué. Vous ne partagerez plus la lune claire ni les jardins lents. Il n’y a plus personne Une lune qui n’est pas un miroir du passé, Cristal de solitude, soleil d’agonies. Au revoir aux mains et aux tempes de l’autre Cela a rapproché l’amour. Aujourd’hui, vous n’avez plus que la mémoire fidèle et les jours déserts. Personne ne perd (vous répétez en vain) mais ce qu’il n’a pas et n’a pas eu Jamais, mais il ne suffit pas d’être courageux pour apprendre l’art de l’oubli. Un symbole, une rose, vous déchire Et une guitare peut vous tuer II Je ne serai plus heureux. C’est peut-être sans importance. Il y a tant d’autres choses dans le monde; un instant quelconque est plus profond Et divers que la mer. La vie est courte, Et même si les heures sont longues, une obscure merveille nous guette, La mort, cette autre mer, cette autre flèche Qui nous délivre du soleil et de la lune et de l’amour. Le bonheur que tu m’as donné Et que tu m’as retiré doit disparaître; Ce qui était tout ne sera plus rien. Il ne reste que le plaisir d’être triste, Cette vaine habitude qui me fait pencher Vers le sud, vers une certaine porte, vers un certain coin de rue. Traduction : --- |
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