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Recuerdos - Antonio Machado (1875-1939)

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Recuerdos - Antonio Machado (1875-1939) Empty Recuerdos - Antonio Machado (1875-1939)

Message  Gil Def Ven 28 Juin - 14:02

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Recuerdos - Antonio Machado (1875-1939) Espagn16

Antonio MACHADO
1875-1939

Recuerdos - Antonio Machado (1875-1939) Machad11



Recuerdos - Souvenirs


Voz : Alberto LTE




Oh Soria, cuando miro los frescos naranjales
cargados de perfume, y el campo enverdecido,
abiertos los jazmines, maduros los trigales,
azules las montañas y el olivar florido;
Guadalquivir corriendo al mar entre vergeles;
y al sol de abril los huertos colmados de azucenas,
y los enjambres de oro, para libar sus mieles
dispersos en los campos, huir de sus colmenas;
yo sé la encina roja crujiendo en tus hogares,
barriendo el cierzo helado tu campo empedernido;
y en sierras agrias sueño ?¡Urbión, sobre pinares!
¡Moncayo blanco, al cielo aragonés, erguido!?
Y pienso: Primavera, como un escalofrío
irá a cruzar el alto solar del romancero,
ya verdearán de chopos las márgenes del río.
¿Dará sus verdes hojas el olmo aquel del Duero?
Tendrán los campanarios de Soria sus cigüeñas,
y la roqueda parda más de un zarzal en flor;
ya los rebaños blancos, por entre grises peñas,
hacia los altos prados conducirá el pastor.

¡Oh, en el azul, vosotras, viajeras golondrinas
que vais al joven Duero, rebaños de merinos,
con rumbo hacia las altas praderas numantinas,
por las cañadas hondas y al sol de los caminos
hayedos y pinares que cruza el ágil ciervo,
montañas, serrijones, lomazos, parameras,
en donde reina el águila, por donde busca el cuervo
su infecto expoliario; menudas sementeras
cual sayos cenicientos, casetas y majadas
entre desnuda roca, arroyos y hontanares
donde a la tarde beben las yuntas fatigadas,
dispersos huertecillos, humildes abejares!...

¡Adiós, tierra de Soria; adiós el alto llano
cercado de colinas y crestas militares,
alcores y roquedas del yermo castellano,
fantasmas de robledos y sombras de encinares!

En la desesperanza y en la melancolía
de tu recuerdo, Soria, mi corazón se abreva.
Tierra de alma, toda, hacia la tierra mía,
por los floridos valles, mi corazón te lleva.


Campos de Castilla, 1912




Oh ! Soria ! quand je regarde les frais orangers,
Lourds de parfums, et la campagne toute verte,
Les jasmins épanouis, les champs de blé mûris,
Les montagnes bleues et l’olivaie en fleurs ;
Le Guadalquivir coulant vers la mer parmi les vergers ;
Et au soleil d’avril les jardins regorgeant de lis,
Et les essaims dorés pour butiner leurs miels,
Dispersés dans les champs, s’enfuir de leurs ruchers ;
Je sais le chêne rouge craquant dans les foyers,
La bise glacée qui balaie ton étendue de pierre ;
Et je songe aux âpres sierras – Urbión au-dessus des pinèdes !
Moncayo blanc, dressé vers le ciel d’Aragon ! –
Et je pense : Le printemps, ainsi qu’un frisson,
Va traverser le haut terroir du romancero,
Déjà les peupliers au bord de la rivière doivent mettre leur note verte,
Et l’orme du Douro, a-t-il aussi ses feuilles qui verdissent ?
Les clochers de Soria, sans doute, ont leurs cigognes,
Et les rocailles brunes plus d’un buisson en fleur ;
Déjà entre les rochers gris, vers les hautes prairies,
Le berger doit mener paître ses blancs troupeaux.

Oh ! vous dans l’azur, hirondelles voyageuses ;
Qui allez vers le jeune Douro ; troupeaux de mérinos
En route vers les hautes prairies de Numance,
Par les gorges profondes, au soleil des chemins ;
Forêts de hêtres et de pins que traverse le cerf agile,
Montagnes, monticules, coteaux arrondis, vastes landes,
Où l’aigle règne, où le corbeau recherche
Son infecte pitance ; carrés de terre ensemencée
Couleur de cendres comme blouse de paysans,
Masures et bercails au milieu des rochers dénudés,
Ruisseaux et sources où viennent boire, au soir,
Les attelages fatigués, petits jardins éparpillés, humbles

Adieu, terre de Soria, adieu, haute plaine,
Entourée de collines, crêtes militaires,
Côteaux et rocailles du désert castillan,
Fantômes de rouvraies et ombres de chênaies !

Dans la désespérance et la mélancolie
De ton souvenir, Soria, mon cœur s’abreuve.
Terre d’âme, toute entière, par les vallées fleuries,
Vers ma terre, mon cœur t’emporte.


Traduction : Sylvie Sesé-Léger et Bernard Sesé, 1995




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