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El crimen fue en Granada - Antonio Machado (1875-1939)

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Message  Gil Def Jeu 20 Juin 2024 - 5:32

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Antonio MACHADO
1875-1939

El crimen fue en Granada - Antonio Machado (1875-1939) Machad11



El crimen fue en Granada - Il y eut crime à Grenade


Voz : Carlos Barra Nogués




A Federico García Lorca

I

El crimen

Se le vio, caminando entre fusiles
por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas, de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle a la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico
—sangre en la frente y plomo en las entrañas—.
… Que fue en Granada el crimen
sabed —¡pobre Granada!—, ¡en su Granada!…

II

El poeta y la muerte

Se le vio caminar solo con Ella,
sin miedo a su guadaña.
—Ya el sol en torre y torre; los martillos
en yunque, yunque y yunque de las fraguas—.
Hablaba Federico,
requebrando a la Muerte. Ella escuchaba.
«Porque ayer en mi verso, compañera,
sonaba el eco de tus secas palmas,
y diste el hielo a mi cantar, y el filo
a mi tragedia de tu hoz de plata,
te cantaré la carne que no tienes,
los ojos que te faltan,
tus cabellos que el viento sacudía,
los rojos labios donde te besaban…
Hoy como ayer, gitana, muerte mía,
qué bien contigo a solas,
por estos aires de Granada, ¡mi Granada!»

III

Se les vio caminar…
Labrad, amigos,
de piedra y sueño, en el Alhambra,
un túmulo al poeta,
sobre una fuente donde llore el agua,
y eternamente diga:
el crimen fue en Granada, ¡en su Granada!


"Poesías de la guerra", 1936-1937




A Federico Garcia Lorca

I

Le crime

On le vit, avançant au milieu des fusils,
Par une longue rue,
Sortir dans la campagne froide,
Sous les étoiles, au point du jour.
Ils ont tué Federico
Quand la lumière apparaissait.
Le peloton de ses bourreaux
N’osa le regarder en face.
Ils avaient tous fermé les yeux ;
Ils prient : Dieu même n’y peut rien !
Et mort tomba Federico
– Du sang au front, du plomb dans les entrailles –
… Apprenez que le crime a eu lieu à Grenade
– Pauvre Grenade! – , sa Grenade…

II

Le poète et la mort

On le vit s’avancer seul avec Elle,
Sans craindre sa faux.
– Le soleil déjà de tour en tour, les marteaux
Sur l’enclume – sur l’enclume des forges.
Federico parlait ;
Il courtisait la mort. Elle écoutait
"Puisque hier, ma compagne, résonnaient dans mes vers
Les coups de tes mains desséchées,
Qu’à mon chant tu donnas ton froid de glace
Et à ma tragédie le fil de ta faucille d’argent,
Je chanterai la chair que tu n’as pas,
Les yeux qui te manquent,
Les cheveux que le vent agitait,
Les lèvres rouges que l’on baisait…
Aujourd’hui comme hier, ô gitane, ma mort,
Que je suis bien, seul avec toi,
Dans l’air de Grenade, ma Grenade !"

III

On le vit s’avancer…
Élevez, mes amis,
Dans l’Alhambra, de pierre et de songe,
Un tombeau au poète,
Sur une fontaine où l’eau gémira
Et dira éternellement :
Le crime a eu lieu à Grenade, sa Grenade !


Traduction : Bernard Sesé




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