Les poètes romantiques - Anna de Noailles
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Les poètes romantiques - Anna de Noailles
LES PHARES ET LES PASSERELLES HOMMAGE AUX POETES |
Les poètes romantiques "Les Forces éternelles" - 1920 Anna de Noailles J’ai plus que tout aimé la terre des Hellènes, Une terre sans ombre, un pin vert, un berger, L’eau calme, une villa rêveuse à Mytilène, Dans le halo d’odeurs fusant des orangers. J’ai plus que tout béni le regard d’Antigone Levé vers le soleil que sa prière atteint ; Mon cœur, semblable au sien et rebelle à l’automne, Eût souhaité mourir en louant le matin. J’ai plus que tout chanté la fougueuse jeunesse Qui bondit et s’éboule et renaît dans ses jeux, Comme on voit, en juillet, les chevreaux en liesse Mêler leurs corps naïfs et leurs yeux orageux. Certes, rien ne me plaît que tes étés, ô monde ! Ces jours luisants et longs comme un sable d’argent, Où les yeux éblouis, tendus comme une fronde, Font jaillir jusqu’aux cieux un regard assiégeant. Je n’ai rien tant vanté que vos vers, Théocrite ! Je les ai récités à vos temples meurtris, Aux ombres qu’ont laissées vos cités favorites Dans le blé blanc, couleur de jasmin et de riz. Enfant, au bord du lac de saint François de Sales, Où les coteaux semblaient s’envoler par leurs fleurs, Tant un azur ailé soulevait les pétales, J’ai repoussé un mol et langoureux bonheur. Mon âme, ivre d’espoir, cinglait vers vos rivages, Platon, Sophocle, Eschyle, honneur divin des Grecs, Ô maîtres purs et clairs, grands esprits sans nuages, Marbres vivants, debout dans l’azur calme et sec ! J’ai longtemps comprimé mon cœur mélancolique, Mais les jours ont passé, j’ai vécu, j’ai souffert, Et voici que, le front de cendres recouvert, Je vous bénis, divins poètes romantiques ! Poètes furieux, abattus, révoltés, Fiers interrogateurs de l’âme et des étoiles, Voiliers dont l’ouragan vient lacérer la voile, Vous qui pleurez d’amour dans un jardin d’été, Vous en qui l’univers tout respirant s’engouffre Avec les mille aspects des fougueux éléments ; Vous, possesseurs du monde et malheureux amants, Qui défaillez de joie et murmurez : « Je souffre ! » De quoi ? De la forêt, du ciel bleu, des torrents, Des cloches, doux ruchers d’abeilles argentines ? Dans Aix, sur les coteaux pleins de ruisseaux errants, De quoi souffriez-vous, mon tendre Lamartine ? J’ai vu votre beau lac farouche, étroit, grondant, Et la maison modeste où soupirait Elvire, J’ai vu la chambre basse où pour vous se défirent Ses cheveux sur son cou, ses lèvres sur ses dents. De quoi souffriez-vous ? Je le sais, un malaise Teinté de longs désirs, de regrets, d’infini, Venait sur le balcon transir vos doigts unis, Lorsque soufflait, le soir, le vent de Tarentaise. De quoi souffriez-vous ? D’éphémère beauté, D’un jour plein de langueur qui s’éloigne et qui sombre, D’un triste chant d’oiseau, et de l’inanité D’être un pauvre œil humain sous les astres sans nombre ! De quoi souffriez-vous ? De rêve sensuel Qui veut tout conserver de ce dont il s’empare ; Et, lorsque la Nature est à chacun avare, De pouvoir tout aimer pour un temps éternel ! Hélas ! Je connais bien ces tendresses mortelles, Cet appel au Destin, qui ne peut pas surseoir. Je connais bien ce cri brisant de l’hirondelle, Comme une flèche oblique ancrée au cœur du soir. Je connais ces remous de parfums, de lumière, Qui font du crépuscule un cap tiède et houleux Où le cœur, faible esquif noyé par le flot bleu, S’enfonce, en s’entr’ouvrant, dans l’ombre aventurière. — Lamartine, Rousseau, Byron, Chateaubriand, Écouteurs des forêts, des astres, des tempêtes, Grands oiseaux encagés, et qui heurtiez vos têtes Aux soleilleux barreaux du suave Orient, Vous qui, évaluant à l’infini la somme De ce que nul ne peut étreindre et concevoir, Ressentiez cependant l’immensité d’être homme Sous le dôme distrait et fascinant du soir, Vous qui, toujours louant et maudissant la terre, Lui prodiguiez sans cesse un amour superflu, Et qui vous étonniez de rester solitaires Comme un rocher des mers à l’heure du reflux, Soyez bénis, porteurs d’infinis paysages, Esprits pleins de saisons, d’espace et de soupirs, Vous qui toujours déments et toujours les plus sages Masquiez l’affreuse mort par d’éternels désirs ! Soyez bénis, grands cœurs où le mensonge abonde, Successeurs enivrés et tristes du dieu Pan, Vous dont l’âme fiévreuse et géante suspend Un lierre frémissant sur les murs nus du monde ! Autres textes du même auteur Annecy Après l'ondée Automne, ton soleil Bayonne Ce ne sont pas les mots Chaleur Comme le temps est court Constantinople Eloge de la rose Entre les tombeaux et les astres Exaltation Eveil d'une journée Il fera longtemps clair ce soir Il pleut. Le ciel est noir J'écris pour que le jour où je ne serai plus J'espère de mourir Je croyais être Je veux bien respirer… Jeunesse Joviale odeur de la neige L'abondance L'ardeur L'automne L'enchantement de la Sicile L'enfance L'hiver L'Ile des folles à Venise L'innocence L'inquiet désir L'Inspiration L'offrande à la nature La cité natale La jeunesse La journée heureuse La mort de Jaurès La mort dit à l'homme La mort fervente La musique de Chopin La naissance du jour La vie profonde Le baiser Le cri des hirondelles Le jardin et la maison Le pays Le plaisir des oiseaux Le port de Palerme Le soldat Le souvenir des morts Le temps de vivre Le verger Le voyage Le voyage sentimental Les biches Les bords de la Marne Les îles bienheureuses Les journées romaines Les morts Les morts pour la Patrie Les nuits d'été Les plaisirs des jardins Les voyages Matin frémissant Mon âme de peine et de joie Novembre O lumineux matin Ô Mort, vous rendez tout… Paysage du Hainaut Prière au destin Prière du combattant Qu'ai-je à faire de vous ? S'il est quelque autre chose au monde Stances à Victor Hugo Trains en été Tristesse de l'amour Un automne à Venise Un jardin au printemps Un soir à Vérone Un soir en Flandre Verdun Versailles Visite à la cathédrale de Reims |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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