COUPS DE COEUR POETIQUES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -37%
Promo : radiateur électrique d’appoint ...
Voir le deal
76.99 €

Les poètes romantiques - Anna de Noailles

Aller en bas

Les poètes romantiques - Anna de Noailles Empty Les poètes romantiques - Anna de Noailles

Message  Gil Def Dim 28 Fév - 16:37

Les poètes romantiques - Anna de Noailles 721364  Les poètes romantiques - Anna de Noailles 721364  Les poètes romantiques - Anna de Noailles 721364


LES PHARES ET LES PASSERELLES
HOMMAGE AUX POETES

Les poètes romantiques - Anna de Noailles 0_som127






Les poètes romantiques
"Les Forces éternelles" - 1920
Anna de Noailles


Les poètes romantiques - Anna de Noailles Les_po10


J’ai plus que tout aimé la terre des Hellènes,
Une terre sans ombre, un pin vert, un berger,
L’eau calme, une villa rêveuse à Mytilène,
Dans le halo d’odeurs fusant des orangers.

J’ai plus que tout béni le regard d’Antigone
Levé vers le soleil que sa prière atteint ;
Mon cœur, semblable au sien et rebelle à l’automne,
Eût souhaité mourir en louant le matin.

J’ai plus que tout chanté la fougueuse jeunesse
Qui bondit et s’éboule et renaît dans ses jeux,
Comme on voit, en juillet, les chevreaux en liesse
Mêler leurs corps naïfs et leurs yeux orageux.

Certes, rien ne me plaît que tes étés, ô monde !
Ces jours luisants et longs comme un sable d’argent,
Où les yeux éblouis, tendus comme une fronde,
Font jaillir jusqu’aux cieux un regard assiégeant.

Je n’ai rien tant vanté que vos vers, Théocrite !
Je les ai récités à vos temples meurtris,
Aux ombres qu’ont laissées vos cités favorites
Dans le blé blanc, couleur de jasmin et de riz.

Enfant, au bord du lac de saint François de Sales,
Où les coteaux semblaient s’envoler par leurs fleurs,
Tant un azur ailé soulevait les pétales,
J’ai repoussé un mol et langoureux bonheur.

Mon âme, ivre d’espoir, cinglait vers vos rivages,
Platon, Sophocle, Eschyle, honneur divin des Grecs,
Ô maîtres purs et clairs, grands esprits sans nuages,
Marbres vivants, debout dans l’azur calme et sec !

J’ai longtemps comprimé mon cœur mélancolique,
Mais les jours ont passé, j’ai vécu, j’ai souffert,
Et voici que, le front de cendres recouvert,
Je vous bénis, divins poètes romantiques !

Poètes furieux, abattus, révoltés,
Fiers interrogateurs de l’âme et des étoiles,
Voiliers dont l’ouragan vient lacérer la voile,
Vous qui pleurez d’amour dans un jardin d’été,

Vous en qui l’univers tout respirant s’engouffre
Avec les mille aspects des fougueux éléments ;
Vous, possesseurs du monde et malheureux amants,
Qui défaillez de joie et murmurez : « Je souffre ! »

De quoi ? De la forêt, du ciel bleu, des torrents,
Des cloches, doux ruchers d’abeilles argentines ?
Dans Aix, sur les coteaux pleins de ruisseaux errants,
De quoi souffriez-vous, mon tendre Lamartine ?

J’ai vu votre beau lac farouche, étroit, grondant,
Et la maison modeste où soupirait Elvire,
J’ai vu la chambre basse où pour vous se défirent
Ses cheveux sur son cou, ses lèvres sur ses dents.

De quoi souffriez-vous ? Je le sais, un malaise
Teinté de longs désirs, de regrets, d’infini,
Venait sur le balcon transir vos doigts unis,
Lorsque soufflait, le soir, le vent de Tarentaise.

De quoi souffriez-vous ? D’éphémère beauté,
D’un jour plein de langueur qui s’éloigne et qui sombre,
D’un triste chant d’oiseau, et de l’inanité
D’être un pauvre œil humain sous les astres sans nombre !

De quoi souffriez-vous ? De rêve sensuel
Qui veut tout conserver de ce dont il s’empare ;
Et, lorsque la Nature est à chacun avare,
De pouvoir tout aimer pour un temps éternel !

Hélas ! Je connais bien ces tendresses mortelles,
Cet appel au Destin, qui ne peut pas surseoir.
Je connais bien ce cri brisant de l’hirondelle,
Comme une flèche oblique ancrée au cœur du soir.

Je connais ces remous de parfums, de lumière,
Qui font du crépuscule un cap tiède et houleux
Où le cœur, faible esquif noyé par le flot bleu,
S’enfonce, en s’entr’ouvrant, dans l’ombre aventurière.

— Lamartine, Rousseau, Byron, Chateaubriand,
Écouteurs des forêts, des astres, des tempêtes,
Grands oiseaux encagés, et qui heurtiez vos têtes
Aux soleilleux barreaux du suave Orient,

Vous qui, évaluant à l’infini la somme
De ce que nul ne peut étreindre et concevoir,
Ressentiez cependant l’immensité d’être homme
Sous le dôme distrait et fascinant du soir,

Vous qui, toujours louant et maudissant la terre,
Lui prodiguiez sans cesse un amour superflu,
Et qui vous étonniez de rester solitaires
Comme un rocher des mers à l’heure du reflux,

Soyez bénis, porteurs d’infinis paysages,
Esprits pleins de saisons, d’espace et de soupirs,
Vous qui toujours déments et toujours les plus sages
Masquiez l’affreuse mort par d’éternels désirs !

Soyez bénis, grands cœurs où le mensonge abonde,
Successeurs enivrés et tristes du dieu Pan,
Vous dont l’âme fiévreuse et géante suspend
Un lierre frémissant sur les murs nus du monde !




Autres textes du même auteur

Annecy
Après l'ondée
Automne, ton soleil
Bayonne
Ce ne sont pas les mots
Chaleur
Comme le temps est court
Constantinople
Eloge de la rose
Entre les tombeaux et les astres
Exaltation
Eveil d'une journée
Il fera longtemps clair ce soir
Il pleut. Le ciel est noir
J'écris pour que le jour où je ne serai plus
J'espère de mourir
Je croyais être
Je veux bien respirer…
Jeunesse
Joviale odeur de la neige
L'abondance
L'ardeur
L'automne
L'enchantement de la Sicile
L'enfance
L'hiver
L'Ile des folles à Venise
L'innocence
L'inquiet désir
L'Inspiration
L'offrande à la nature
La cité natale
La jeunesse
La journée heureuse
La mort de Jaurès
La mort dit à l'homme
La mort fervente
La musique de Chopin
La naissance du jour
La vie profonde
Le baiser
Le cri des hirondelles
Le jardin et la maison
Le pays
Le plaisir des oiseaux
Le port de Palerme
Le soldat
Le souvenir des morts
Le temps de vivre
Le verger
Le voyage
Le voyage sentimental
Les biches
Les bords de la Marne
Les îles bienheureuses
Les journées romaines
Les morts
Les morts pour la Patrie
Les nuits d'été
Les plaisirs des jardins
Les voyages
Matin frémissant
Mon âme de peine et de joie
Novembre
O lumineux matin
Ô Mort, vous rendez tout…
Paysage du Hainaut
Prière au destin
Prière du combattant
Qu'ai-je à faire de vous ?
S'il est quelque autre chose au monde
Stances à Victor Hugo
Trains en été
Tristesse de l'amour
Un automne à Venise
Un jardin au printemps
Un soir à Vérone
Un soir en Flandre
Verdun
Versailles
Visite à la cathédrale de Reims









_________________
La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
Gil Def
Admin

Masculin
Nombre de messages : 6854
Age : 75
Localisation : Nord de la France
Date d'inscription : 16/11/2007

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum